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Mariko
Mori vit son art avec un fort désir d'interaction,
de réflexion collective. A trente-trois ans, l'artiste
japonaise se balance dans la vie comme une comète voyage
dans l'univers. Sa réflexion est libre, son parcours
intellectuel solitaire mais accessible à quiconque
veut les rejoindre.
Son travail est un questionnement atemporel.
Dans sa dernière uvre, elle médite, allongée
dans une capsule de plexiglas, comme enveloppée du
sommeil de l'éternité. Elle semble traverser
le temps, l'espace, et nous interroger sur notre devenir.
La capsule, légère et incongrue, est installée
à différents endroits de la planète :
des grands centres urbains, New-York, Shangaï, Paris,
et des endroits symboliques de l'histoire de l'humanité,
grandes pyramides, temples Incas

La réalisation
n'est pas seulement un " happening " ; le projet,
dont le nom générique est " Beginning of
the End " (le commencement de la fin), est surtout plastique
et les images vidéo, les photographies réalisées
par l'équipe de Mariko Mori faisaient ce printemps
l'objet de trois expositions à Paris. uvre d'une
totale modernité - tant dans sa plastique aux images
high-tech que dans sa production digne de l'industrie du cinéma
- le projet explore différentes relations dans le temps
et dans l'espace : les liens entre les mondes occidental et
oriental et la domination culturelle de l'Occident, ceux,
interdépendants, qui relient différents lieux
de la planète, et qui les rendent si proches, les relations
entre le passé, le présent et le futur, les
vivants et les morts, la modernité et le monde traditionnel.

Dans l'installation vidéo
présentée le mois dernier au Centre George Pompidou,
de multiples connections étaient ainsi mises en scène
: celles qui relient Mariko Mori, vêtue de combinaisons
futuristes, immobile dans sa capsule transparente, les passants
de ces lieux urbains, qui s'approchent, vaguement intrigués,
la regardent, lui parlent, la photographient, et nous, spectateurs-récepteurs
anonymes, réunis dans un espace circulaire à
peine plus grand qu'un ascenseur, qui ouvrons les yeux tout
grand pour plonger dans l'image qui nous entoure entièrement
et semble vouloir nous englober. Devant les hauts lieux historiques,
comme les Pyramides, elle convie aussi à la fête
les autres générations qui ont participé
à la construction de l'Humanité. L'ambiance
sonore, bruits urbains essentiellement et musique électronique,
achève de nous happer pour nous transporter à
la manière d'un voyage dans le temps. Car la coquille
de verre fait irrésistiblement penser à ces
machines loufoques que les hommes ont depuis longtemps construites
en rêve et qui nous auraient permis de changer d'espace
temporel.
Les technologies innovantes, les nouvelles communications,
Internet, serait-ce la porte vers de nouveaux voyages dans
le temps ? Celui de la simultanéité, de l'ubiquité
enfin possible dans un partage sans limite de la même
expérience, de la même aventure. Telles sont
en tout cas les voies qu'expérimente Mariko Mori dans
ses installations. La jeune femme utilise son corps comme
" un outil pour communiquer avec le monde ". En
méditation à différents points du globe,
elle ouvre une autre dimension, celle de son monde intérieur,
nourri par sa culture traditionnelle, qu'elle confronte à
l'autre dans un questionnement culturel et idéologique.
Persuadée
du pouvoir de l'art et des artistes, cette plasticienne moderne,
aux allures de prophète, définit ainsi le projet
humaniste de sa création : " un acte artistique
destiné à faire partager l'essence spirituelle
du monde, à détourner les hommes des affrontements
politiques, religieux ou idéologiques qui sévissent
sur la planète Terre qui est notre seule demeure ".
Etre zen aujourd'hui, partout dans le monde et simultanément.
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