C'est dans le premier tiers
de la décennie 90 que
les machines de jeux se montrent enfin à la hauteur
des ambitions artistiques des meilleurs créateurs.
Par sa puissance et son public
adulte, le PC s'impose comme un support idéal pour les expérimentations
graphiques réussies (Alone In The Dark, Doom, Epic,
Inca...) et les recherches scénaristiques (Dark Seed,
Rex Nebular, Croisière pour un cadavre...).
Les consoles 16 bits envahissent
le marché : la Megadrive
sort en 1990 en occident, la Super Nintendo en 1992. Cette
dernière est clairement la plus avancée techniquement,
et va rapidement proposer des softs révolutionnaires
qui inspireront, pendant des années, bien des développeurs.
Le PC, la Megadrive et la NEC PC Engine entrent dans l'ère
du CD-Rom, mais aucun jeu n'arrive à en exploiter
les capacités de manière convaincante -même
si, sur PC, The Seventh Guest ou Rebel Assault sont de véritables
tours de force visuels.
Des mythes naissent (Doom, Star Fox, F-Zero...), d'autres
se consolident (Zelda, Castlevania, Ghouls 'n Ghost...).
Alors que les recettes atteignent
des records en 1992 -lesquels ne seront ensuite largement
dépassés qu'à partir
de 98-, les jeux sont de plus en plus coûteux en ressources
humaines et matérielles, et leur esthétique
se fait de plus en plus alambiquée et soignée
: une industrie majeure explose, une nouvelle forme d'art
se dessine lentement.
:: 1990-1993 : les jeux majeurs ::
Le jeu fondamental : Doom (PC, 93)
Si
ce classique n'est pas le premier jeu vidéo à
avoir utilisé la vue subjective -Wolfenstein 3D ou
Ultima Underworld l'ont fait avant lui-, il l'a popularisée
au point d'en devenir l'archétype absolu. L'action
est aussi primaire et discutable qu'elle est fun et cathartique.
Les niveaux, dédaléens et d'une implacable logique,
ont longtemps fait autorité. Mais si Doom est passé
à la postérité, c'est surtout pour son
ambiance étouffante et infernale, où le mélange
de gore et de tension sonore -râles monstrueux, violons
stridents, bébés en pleurs dans la version PS-
crée l'effroi le plus profond. Un jeu inoubliable.
Les autres jeux
Alone in the Dark (PC, 93)
Créé par Frédéric Raynal, l'une
des personnalités majeures du jeu vidéo en France
-qui signera ensuite les deux LBA-, Alone in the Dark a donné naissance à un
nouveau type de représentation graphique, où des
personnages en 3D évoluent dans des décors en
2D, avec de fréquents changements de caméra.
Ce procédé, idéal pour un jeu d'aventure,
permet de garder une partie des avantages de la 3D -notamment
la dynamisation cinématographique de l'action- tout
en maintenant un niveau de détail très élevé dans
les décors. Ce concept sera abondamment copié ensuite,
et amélioré par des grands titres comme Resident
Evil ou FF7, qui en exploiteront pleinement les immenses possibilités.
Zelda 3 (SFC, 91)
Attention, jeu important. Avec Zelda 3, Shigeru Miyamoto
posait définitivement les bases de son style inimitable et
au succès commercial inoxidable : simplicité d'ergonomie,
durée de vie gigantesque, sens du détail et réalisation
soignée. Des dongeons à l'architecture complexe
et de multiples sous-quêtes étaient les traits
principaux d'une aventure au formidable pouvoir d'attraction.
L'influence qu'a exercé ce monument sur les jeux qui
l'ont suivi, est difficilement mesurable tant elle est énorme.
Plus qu'un incontournable : un épisode fondamental et
historique de la culture vidéo-ludique.
Another World (Amiga, 91)
Né des efforts solitaires d'un jeune français
génial, Eric Chahi -à qui l'on devra ensuite
le très attendu et très décevant Heart
of Darkness sur PS et PC-, Another World fut l'un des premiers
jeux à digérer avec succès l'intense influence
du cinéma. Une technique de programmation à base
de polygones donnait à l'animation une fluidité impressionnante,
et permettait à la machine de gérer de superbes
scènes cinématiques, qui favorisaient l'implication
du joueur dans un scénario excitant. L'un des fleurons
des jeux de plates-formes/action, et une révolution
esthétique et narrative à l'époque, qui
se déclina sur de très nombreux supports.
Flashback (MD, 93)
Descendant direct d'Another World, auquel il emprunte son
esprit cinématographique et son animation réaliste,
Flashback possède un gameplay largement plus profond
et plus varié que son aîné. Il comporte
surtout un bon paquet d'excellentes idées, au premier
rang desquelles la possibilité de travailler pour gagner
de l'argent. La précision et la richesse du graphisme,
l'ambiance sonore minimaliste, le scénario passionnant à la
Total Recall, achèvent de faire figurer Flashback au
panthéon des jeux 16 bits majeurs.
Star Fox (SFC, 93)
Fruit de la collaboration entre Argonaut Software et Nintendo,
Star Fox (Starwing en Europe) associait la maîtrise technique
du premier au savoir-faire ludique du second. Le résultat
: un shoot'em up dont la mise en scène dépasse
en intensité tous ses pairs, grâce à l'utilisation
d'une 3D polygonale non texturée aujourd'hui complètement
surannée, mais sans précédent sur SNIN à l'époque.
Le son énorme et très dense orchestralement (le
générique de fin fait appel à un nombre étonnant
d'instruments extrêmement bien restitués), ne
sera même pas égalé par la suite du jeu,
Lylat Wars, sur N64. C'est un comble. Sur ce point comme sur
d'autres, Star Fox était réellement
en avance sur son temps.
F-Zero (SFC, 91)
F-Zero est un jeu de course futuriste qui fit sensation
en son temps par son habile utilisation du fameux
mode 7 de
la SNIN. L'animation incroyablement véloce, la conception
novatrice et tortueuse des circuits, le suspense physiquement éprouvant,
la prise en main immédiate mais subtile, l'ambiance
très particulière ont déteint sur une
multitude de clones souvent inaptes à conserver la force
et l'efficacité de l'original. Le plus célèbre
et le plus intéressant de ces clones a considérablement
contribué au succès de la PlayStation de Sony.
Il s'agit, bien sûr, de WipEout.
Super Ghouls 'n ghosts (SFC, 91)
Super Ghouls'n Ghosts est l'un des premiers jeux de la
SNIN, et c'est aussi l'un des plus fabuleux.
Héritier de la
légendaire saga des Ghost'n Goblins, ce soft est une
spectaculaire vitrine des capacités de la SNIN : zooms,
rotations, déformations et scrollings différentiels
sont gérés avec maestria dans le but constant
de servir le gameplay. Les passages anthologiques s'enchaînent à un
rythme haletant : le raz-de-marée qui s'engouffre vers
le premier plan en entraînant des pans de terre, le combat
contre le vautour géant, le radeau sur la mer déchainée,
l'ascension des tours géantes ... Epique,
subjuguant, musicalement somptueux, Super Ghouls'n
Ghost fascine
comme un conte macabre.
Axelay (SFC, 92)
Axelay est un shoot'em up, et c'est l'un des plus originaux
du genre. Trois des six niveaux du jeu emploient
un scrolling vertical qui utilise l'un des effets
spéciaux les plus
impressionnants jamais réalisés : le décor
y est comme appliqué sur un gigantesque rouleau qui
tourne sur lui-même. L'impression de relief qui en résulte
est inédite, encore aujourd'hui. Au-delà de cette
prouesse technique, il y a dans Axelay sinon une certaine poésie,
du moins un réel sens de la mise en scène (les
vers géants façon Dune qui jaillissent de la
lave puis y replongent, le survol hypnotique d'une ville la
nuit, le son en écho de la caverne sous-marine...).
Le plus beau shoot de la SNIN.
Castlevania 4 (SFC, 91)
Le volet SNIN de l'une des sagas
mythiques des jeux vidéo
est indéniablement le meilleur. L'atmosphère
horrifique fonctionne admirablement bien : la beauté élégiaque
et baroque de la musique est parfaitement en accord avec la
tonalité sombre et mystérieuse du graphisme.
Les affrontements contre l'hydre à deux têtes,
l'armure vivante ou Dracula sont de grands moments, et les
extérieurs sont ensorcelants. Les années n'ont
en rien entamé la majesté et la poésie
morbide de cette mémorable et intemporelle
chasse au vampire. Un chef-d'oeuvre de la
plate-forme/action.
|